Le rôle de l'organisation révolutionnaire (the role of the revolutionary organisation) par l'Anarchist Communist Federation (ACF)

 

ACF est récemment renommé Anarchist Federation:

BM ANARFED, WC1N 3XX, Londres, Angleterre, U.K.

Site web: http://www.afed.org.uk

Email AF

 

En guise d'Introduction

Ce texte fut traduit pour servir de base de débat, avec d'autres textes, sur le rôle de l'organisation révolutionnaire dans le cadre d'un groupe d'étude communiste libertaire de la région de Québec sur la question de l'organisation révolutionnaire anarchiste. Ce groupe était formé d'anciens membres du collectif de Québec de Démanarchie qui voulaient baser leur action sur des bases un peu plus solides, histoire d'éventuellement sortir de l'activisme.

Ce texte de l'Anarchist Communist Federation (l'ACF) fut publié pour la première fois en anglais en 1991 et réédité en 1995, à notre connaissance c'est la première traduction française. L'ACF est une organisation communiste libertaire britannique qui fut fondée en 1986. Il s'agit d'une des trois organisations nationales libertaire et lutte-de-classiste (les deux autres étant la Fédération Solidarité (anarcho-syndicaliste et membre de l'AIT) et la Fédération Class War (qui s'est récemment dissoute dans le but de lancer un processus plus large de questionnement et de débat dans le mouvement libertaire)). L'ACF est l'organisation anglaise la plus «plateformiste», c'est à dire que ces principes organisationnels sont ceux mis de l'avant dans la plate-forme dite d'Archinov (unité théorique, unité tactique, responsabilité collective et fédéralisme).

L'ACF a publié de nombreuses brochures dans sa maison d'édition, les Anarchist Communist Edition, et publie un trimestriel théorique intitulé Organise! . Elle a récemment publié un manifeste, Beyond Resistance. On peut consulter quelques unes de ces brochures et certains textes de son journal sur internet. Pour les commander, les prix en dehors de l'Irlande et de la Grande Bretagne sont 3$ CAN pour la version anglaise de cette brochure, 7$ CAN pour le manifeste et 15$ CAN pour l'abonnement à Organise!, on peut envoyer directement du cash ou un mandat poste international.

Même si ce texte n'est pas particulièrement génial, nous croyons, étant donné l'absence à peu près complète de textes sur la question de l'organisation au Québec, que sa diffusion peut être utile. Nous laissons au lecteur et à lectrice le loisir de s'en faire une opinion critique.

 

Nicolas Phébus

pour le Groupe Anarchiste Émile-Henry, février 1999

Emile-Henry, CP 55051, 138 St-Vallier Ouest, Québec (QC), G1K 1J0, Canada

 

Le rôle de l'organisation révolutionnaire

 

NOUS communistes libertaires avons une vision de l'organisation révolutionnaire en opposition frappante avec celle des léninistes et autres autoritaires. En même temps, notre concept d'organisation révolutionnaire est en désaccord politique et organisationnel avec l'idée de groupements informels mise de l'avant par certains anarchistes.

Ce qui distingue vraiment l'organisation communiste libertaire est sa structure, sa relation avec la classe ouvrière, une élaboration théorique sur cette relation couplée à une compréhension précise de la spontanéité de classe. Il devient de plus en plus important de tenter de faire cette clarification. La crise du capitalisme de marché à l'Ouest et du capitalisme d'État en Europe de l'Est, en Chine et à Cuba à chaque niveau (économique, social, culturel et sexuel) se reflète dans la crise de l'organisation de la gauche révolutionnaire. Ces organisations reproduisent les valeurs de la classe dirigeante dans leur autoritarisme, leur haut degré de centralisation, leur culte de la hiérarchie et la soumission moutonnière de la base à une direction omnipotente et omnisciente.

En même temps que la crise du capitalisme s'approfondit, la crise parallèle des partis de gauche devient plus extrême, entraînant scission après scission, opportunisme et collaboration avec l'agent social-démocrate des patrons, le Parti travailliste. Le Parti communiste est en ruine, certains membres revenant aux vieux clichés staliniens pendant que d'autres évoluent vers des idées social-démocrates à la droite du Parti travailliste. [L'organisation] "Militant" cherche à montrer sa respectabilité, dénonçant des anarchistes à la police, pendant que le Workers Revolutionnary Party, autrefois influent, s'est brisé en plus d'une douzaine de fragments. Pour eux, la corruption financière, l'espionnage pour les régimes du Moyen-Orient, l'approbation de meurtres de camarades fraternels étrangers par les mêmes régimes, l'horrible et systématique abus sexuel et viol de jeunes filles par le haut dirigeant Healy, étaient à l'ordre du jour.

Il est vital qu'un mouvement libertaire fort soit créé dans chaque sphères de la vie sociale pour que les salariés (1) puissent se défendre contre l'attaque capitaliste et pour créer une société libre, auto-organisée. Pour aider à la construction d'un tel mouvement de masse, une organisation révolutionnaire libertaire est nécessaire : une organisation qui combatte pour la coordination de toutes les luttes anticapitalistes. Une telle organisation doit avoir une structure qui garanti un débat politique permanent et doit être contrôlé par l'ensemble de ses membres. L'organisation révolutionnaire anarchiste doit dévoiler l'autoritarisme et l'élitisme des groupes léninistes, marxistes et sociaux-démocrates.

La spontanéité de classe

«L'émancipation des travailleurs doit être l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes», déclaration de la Première Internationale.

«La classe ouvrière par elle-même ne peut atteindre qu'une conscience trade-unioniste», déclaration de Lenine dans Que faire ? (2)

Un vaste abîme de théorie et de pratique sépare ces deux déclarations. Nous rejetons le concept léniniste qui vient des strates administratives et de l'intelligentsia qui cherchent à jeter les travailleurs et les travailleuses dans une nouvelle forme d'oppression : l'État ouvrier.

Le concept de spontanéité du prolétariat (3) a été distortionné et mal compris pendant trop longtemps. Nous ne prenons pas l'attitude "non historique" que certains anarchistes défendent : que le prolétariat entre en activité révolutionnaire sans liens avec les luttes précédentes et sans agitation préalable par des minorités révolutionnaires. Au contraire, le travail des révolutionnaires sur plusieurs années en prenant part à la clarification et à la coordination de luttes dans le prolétariat aide grandement au processus révolutionnaire.

Ce que nous voulons dire par spontanéité du prolétariat c'est l'habilité de cette classe à poser des actions directes en son propre nom et de développer de nouvelles formes de luttes et d'organisation. On peut observer cela dans n'importe quelle grande recrudescence révolutionnaire ou les salariés ont mis sur pieds comités et conseils indépendamment des «avant-gardes». En Grande-Bretagne autant les lignes de piquetage volantes que celle de masses furent développées en tant que moyens de lutte. Plus récemment, les «commandos de puits» ont émergés dans la grève des mineurs de 1984-85. Tout cela fut fait indépendamment du Parti Révolutionnaire (peut importe duquel il s'agit). Les activités du prolétariat ont eu lieu peut importe et quelque fois contre les déblatérations doctrinaires et pédantes de l'élite révolutionnaire.

«Disons le franchement : les erreurs commisent par un mouvement ouvrier réellement révolutionnaire sont historiquement beaucoup plus fructueuses et ont beaucoup plus de valeurs que l'infaillibilité d'un comité central, fut-il le meilleur»., Rosa Luxembourg, La question organisationnelle de la social-démocratie russe (4).

Les expériences de la vie de prolétaire mènent constamment au développement d'idées et d'actions qui remettent en question l'ordre établi. D'un autre côté, la classe dirigeante cherche à renforcer et perpétuer la fragmentation de la solidarité prolétarienne par son contrôle des médias et de l'éducation et par sa perpétuation du racisme et du sexisme. En même temps, différentes sections du prolétariat atteignent différents niveaux de conscience. Le prolétariat n'est ni une masse amorphe ni, en ce moment, une classe solide et unie, consciente d'elle-même et de son pouvoir.

L'organisation révolutionnaire anarchiste comprend cela. Elle réalise aussi que la seule révolution prolétarienne possible en est une où les prolétaires utilisent l'action de masse pour démolir l'appareil d'État de la classe dirigeante et cette classe elle-même. Tout autre révolution ne peut, par sa nature, être prolétarienne et mène seulement à la formation d'une nouvelle classe dirigeante. Comprenant ces faits, l'organisation anarchiste reconnaît qu'elle a plusieurs tâches à accomplir.

Identification

L'organisation anarchiste doit toujours se voir comme une partie du prolétariat. De façon à renforcer cette identification, elle doit développer et étendre son influence dans la classe. En même temps, l'organisation anarchiste doit reconnaître qu'elle est en avance idéologique sur la classe dans son ensemble. Une avance idéologique ne devrait pas être confondue avec une avance pratique parce que, comme nous l'avons dis, les travailleurs et les travailleuses partout apprennent de nouvelles formes de luttes et d'organisation qui peuvent profiter à d'autres travailleurs et travailleuses. L'organisation révolutionnaire anarchiste doit être constamment prête à apprendre de la classe et on devrait s'attendre d'elle qu'elle révise constamment ses tactiques selon le déroulement de la situation. Elle devrait toujours réaliser qu'elle n'est pas infaillible et n'a pas toutes les réponses tout le temps. Elle est transformée en même temps que le prolétariat est transformé dans le processus révolutionnaire.

Parce qu'elle est une partie de la classe et en même temps une tendance distincte à l'intérieur de celle-ci, l'organisation révolutionnaire fait face à une contradiction dans sa relation avec d'autres salariés. Bien sur, si elle n'est pas une partie de la classe alors, comme d'autres groupes, elle tend à l'élitisme, à l'avant-gardisme et à se divorcer de la réalité de classe. La théorie et la pratique doivent être enracinées dans les conditions concrètes. Il y a des dangers dans ces contradictions et l'organisation révolutionnaire anarchiste doit en être consciente et tirer une pratique de cette conscience. Cette contradiction ne peut être complètement éliminée avant le triomphe de la société communiste libertaire.

Tâches de l'organisation

En comprenant que la révolution doit être faite par l'auto-activité du prolétariat, et reconnaissant les contradictions cité plus haut, l'organisation révolutionnaire anarchiste a un certain nombre de tâches à remplir. Elle doit agir comme un groupement de propagande, lançant sans-cesse et infatigablement le message que le prolétariat doit détruire le capitalisme et établir une société communiste libertaire. Elle doit aussi montrer comment cela peut être fait en donnant des idées d'organisation libertaire et des exemples d'auto-activités par des prolétaires. Elle doit rechercher et rappeler l'histoire des luttes passées, leurs succès et leurs erreurs, et communiquer au reste de la classe les leçons à en tirer. L'histoire prolétarienne est délibérément obscurcie et exclue des livres par la classe dirigeante. L'organisation révolutionnaire doit aider dans la tâche de redécouverte de ces luttes dans son effort d'aider au développement de la conscience de classe.

Chaque fois que d'importants développements ont lieu à l'intérieur de la classe, l'organisation révolutionnaire doit répandre la nouvelle par ces liens avec les organisations dans d'autres pays. L'organisation révolutionnaire est internationaliste et recherche des liens avec d'autres groupements de façon à accroître l'efficacité de classe.

Cependant l'organisation ne peut pas se voir que comme un groupe de propagande. Par dessus tout, elle est une assemblée de militants et de militantes. Elle doit activement travailler dans toutes les organisations de base du prolétariat comme les initiatives de base (5), les associations de locataires, les groupes de squatters et de sans-emploi aussi bien que les groupes de femmes, de gais et de gens de couleurs. Elle cherche à créer des liens entre syndiquéEs et non-syndiquéEs dans une lutte pour un mouvement à la base. L'organisation cherche à travailler à l'intérieur des groupes de femmes et des groupes gais pour aider à les radicaliser et plaider pour une rupture d'avec le réformisme libéral et le léninisme. Elle vise à aider à la reconnaissance de l'interconnexion essentielle des oppressions sexuelle et de classe. En même temps, elle respecte l'indépendance et l'autonomie des mouvements prolétariens de gais, de gens de couleurs et de femmes. Elle n'essaie pas de transformer ces mouvements en annexes de l'organisation révolutionnaire, tout comme elle respecte l'autonomie et l'auto-organisation de mouvements de base de travailleurs et de travailleuses qui pourraient se développer. Évidement, cela ne veux pas dire qu'elle ne cherche pas à répandre ses idées dans ces mouvements.

L'organisation travaille pour la plus grande participation de masse possible à l'intérieur de ces groupes et à l'intérieur de la classe dans son ensemble; pour l'auto-activité et l'auto-organisation des prolétaires de toute lutte et de toute facette de la vie. C'est seulement en bâtissant de telles organisations dans le cour de la lutte que le prolétariat peut espérer réaliser sa libération. L'organisation révolutionnaire elle-même doit avoir une participation et une méthode de prise de décision de masse. Elle doit aussi être organisée en structure fédéraliste puisque seul le fédéralisme peut empêcher la dégénaration bureaucratique et encourager la participation active de tous les membres à l'organisation.

L'organisation anarchiste réalise que la révolution sociale ne peut être gagnée sans une lutte sur le point de production et une expropriation des moyens de production. Cependant, elle ne relègue pas la lutte dans d'autres sphères de la vie (chômage, sexuelle, antiraciste, environnementale et culturelle) à un rôle secondaire. Toutes ces luttes sont implicitement anticapitaliste et toutes ces problématiques sont intimement liées. Le questionnement d'une facette du capitalisme peut mener à un rejet total du système. Les militants et les militantes de l'organisation révolutionnaire qui sont impliquéEs dans ces groupes doivent chercher à montrer de quelle façon le système de classe cause et / ou perpétue les problèmes auquel différentes sections de la société sont confrontées.

Il est vital de construire un «front libertaire» de tout ces groupes et de tout ces mouvements. Ainsi, le travail révolutionnaire consiste en partie à lier chaque sphère de lutte en faisant ressortir toutes les tendances libertaires et anticapitalistes latentes qu'on peut y trouver. Les militants et les militantes révolutionnaires anarchistes cherchent à favoriser un regroupement de tous ceux et de toutes celles qui ont «globalisé» leur lutte, ayant évolué d'un combat sur un des fronts du capitalisme à une critique totale du système. L'organisation révolutionnaire doit s'efforcer de favoriser un tel regroupement radical et cela doit se refléter dans toutes ces activités et toutes ses publications. Elle doit être une force agissante (6) dans un tel groupement, y attirant constamment des éléments radicalisés et aidant à bâtir un mouvement de masse.

Quand nous disons «force agissante» nous ne voulons pas dire l'approche léniniste qui est de chercher à dominer de tels mouvements en conquérant des positions et ainsi de suite. Nous cherchons à minimiser les contradictions organisationnelle et cherchons une relation étroite avec les mouvements de masse. Nous ne voulons pas conquérir (7) un tel mouvement. Ce qui compte ce n'est pas tant l'augmentation numérique de l'organisation que le développement de l'ensemble du mouvement du prolétariat. Nous voyons l'organisation révolutionnaire comme un moyen de communication et une arme à être utilisée par le prolétariat.

Le leadership des idées (8)

En opposition à l'idée léniniste de leadership, l'organisation anarchiste combat pour le "leadership des idées" à l'intérieur de la classe par l'exemple et la suggestion. Dans une période non révolutionnaire les masses potentiellement révolutionnaires professent majoritairement des idées et des valeurs conservatrices. Dans cette période une organisation préservant les idées révolutionnaires est nécessaire. Dans ce sens nous reconnaissons un «leadership des idées». Cependant, lors de l'explosion de la révolution, les organisations sont invariablement prises par surprise par l'audacité et l'imagination des masses révolutionnaires. À ce stade une organisation révolutionnaire peut agir comme un frein au progrès. Cependant, au fur et à mesure que la révolution progresse, les forces contre-révolutionnaires génèrent des options étatistes et de guerres civiles. L'organisation révolutionnaire a, à ce moment, le rôle de défendre les idées avancées professées par les masses dans leur stade révolutionnaire initial.

Ce leadership des idées implique une compréhension plus claire de la société hiérarchique, du concept de société auto-organisée et du léninisme. De la lutte contre le léninisme et toutes les formes d'élitisme vient la réalisation que la lutte des idées doit être menée au niveau de la base. Cette réalisation est reflétée dans la pratique et la théorie révolutionnaire anarchiste i.e.. l'appel au mandatement des délégués, à une prise de décision de masse et à l'action de masse.

Une organisation communiste libertaire ne sera bien évidement pas la seule tendance organisée à l'intérieur du prolétariat. Contrairement aux organisations léninistes, elle ne se voit pas comme LE parti mais comme une organisation parmi d'autres qui toutes participent au mouvement de masse à côté des inorganiséEs. Il est aussi probable qu'il y ait des organisations autonomes de femmes ou de gens de couleurs qui seront représentées dans le mouvement et dans les conseils et autres corps révolutionnaires qui pourraient se développer. Cependant celles-ci devraient être des organisations prolétariennes parce que les mouvements interclasses cachent les différences de classes et impliquent que le prolétariat peut avoir des intérêts partagés par la classe dirigeante. L'émancipation complète ne peut se faire sans la destruction du capitalisme.

La composition de l'organisation révolutionnaire

Toutes les sections du prolétariat qui reconnaissent la nécessité de renverser le capitalisme et qui veulent créer une société communiste libertaire seront unis à l'intérieur de l'organisation. Les éléments des autres classes et strates qui voient la nécessité de la victoire du prolétariat seront aussi rassemblées dans l'organisation. Cols-bleus et cols-blancs, éléments de l'intelligentsia salariées (9) et de la strate scientifique travailleront ensemble pour la réalisation de la révolution. L'intellectuelLE a un rôle à jouer en aidant à clarifier les positions à l'intérieur de l'organisation, mais il ou elle ne devrait jamais avoir une position privilégiée dans celle-ci. En fait, le sens pratique des prolétaires devance très souvent les intellectuelLEs dans la théorie et la pratique. Les travailleurs et les travailleuses doivent être la vaste majorité dans une organisation révolutionnaire.

L'organisation révolutionnaire combattra dans les nouvelles structures des lieux de travail et celles des quartiers à un niveau idéologique contre les groupes autoritaires. Elle travaillera à l'intérieur du prolétariat pour s'assurer que ces structures fonctionnent avec la pleine participation de tous sur une base égale et pour combattre contre tout parti ou organisation qui vise à prendre le pouvoir au nom du prolétariat. Si les léninistes essaient d'utiliser la force pour détruire les gains du prolétariat alors l'organisation anarchiste doit être pleinement préparé pour les combattre physiquement et aider d'autres prolétaires à se préparer à cette éventualité. Il découle de cela que dans la période révolutionnaire l'organisation anarchiste doit aider tout le peuple à s'armer pour se défendre contre ses ennemis et appeler à la formation de milices populaires sous le contrôle des organisations de masse.

L'organisation anarchiste ne se dissous pas immédiatement après la phase insurrectionnelle initiale de la révolution. Elle doit continuer à croître de façon à lutter jusqu'à ce que le communisme libertaire soit pleinement réalisé. Quand cet idéal est réalisé, l'organisation se relâche et disparaît éventuellement complètement.

L'organisation anarchiste devrait se voir dans la période révolutionnaire comme une tendance défendant une implication maximum à l'intérieur du mouvement révolutionnaire. Elle devrait être préparée à exister avec d'autres tendances puisque seul un débat constant dans la classe peut garantir que les décision correcte seront prises. 

 

ANNEXE I

Synthèse du rôle de l'organisation révolutionnaire

(extraits, de Beyond Resistance, le manifeste de l'ACF)

 

(...)

Le rôle de l'organisation révolutionnaire peut être résumé en un certain nombre de points :

1. Par dessus tout c'est une assemblée de militantEs qui cherchent à travailler à l'intérieur des luttes et des mouvements.

2. Elle cherche à agir comme une mémoire du prolétariat, recherchant et rappelant l'histoire des luttes passées, et tentant de tirer les leçons à prendre de leurs succès et échecs.

3. Une de ces fonctions devrait être d'agir comme un regroupement de propagande, mettant de l'avant sans cesse et infatigablement un message révolutionnaire.

4. Elle agit comme liaison pour ses militantEs, transmettant l'information d'ici et d'ailleurs.

5. Elle agit comme un lieu de débat pour les militantEs, où les idées et les expériences peuvent être synthétisées. Elle décidera, par exemple, quelles propositions formuler et de quelles façons développer des positions anticapitalistes dans les sphères d'activités de chaque militantE. En offrant ce lieu de débat, elle contre le localisme et la fixation sur les luttes sectorielles (single issues).

6. Elle met en pratique ses propres stratégies. Elle lutte pour l'indépendance des luttes, pour leur auto-organisation, contre leur cooptation par le réformisme et l'électoralisme. Elle lutte pour la recomposition d'un mouvement révolutionnaire, pour une solution anticapitaliste à la crise dans une perspective internationale. Elle met de l'avant des initiatives pour une unité et un débat pratique partout où c'est possible.

7. Défendre l'indépendance et l'auto-organisation des mouvements de masses ne signifie pas que l'organisation révolutionnaire ne cherche pas à répandre ses idées dans ces mouvements. Dans ce sens nous reconnaissons et combattons pour un «leadership des idées» à l'intérieur du prolétariat par l'exemple et la suggestion. Dans une période non révolutionnaire, les masses potentiellement révolutionnaire professent majoritairement des idées et des valeurs conservatrices. Dans cette période il est nécessaire d'avoir une organisation qui préserve les idées révolutionnaires.

Ce leadership des idées signifie une compréhension plus claire de la société hiérarchique, du concept de société auto-organisée et du problème du léninisme. De la lutte contre le léninisme et toutes les autres formes d'élitisme vient la réalisation que la lutte des idées doit être menée au niveau de la base. Cette réalisation se reflète dans la théorie et la pratique anarchiste communiste révolutionnaire i.e.. le mandatement et la rotation des délégués pour une prise de décision et une action de masse. (sur le leadership des idées, voir la note 8)

8. L'organisation révolutionnaire affirme qu'en combattant pour une nouvelle société elle ne cherchera pas à prendre le pouvoir indépendamment des organes unis du prolétariat (les conseils de lieu de travail et de quartier).

9. Elle affirme qu'elle ne sollicitera jamais de mandat pour former un gouvernement mais combattra toujours pour l'implication constante dans l'acte d'auto-organisation sociale de ces organes révolutionnaires du prolétariat.

10. Par sa pratique, par sa façon d'agir, par l'intransigeance de ces positions et son refus du compromis, l'organisation révolutionnaire doit être un point de référence immédiat pour les secteurs radicalisés qui font face aux conséquences les plus brutales de la crise. Cette organisation révolutionnaire, qui est encore a développer, doit synthétiser la nécessité d'une réplique immédiate aux attaques capitalistes, des solutions praticables et possibles, et les aspirations à un changement radical dans la société.

Donc l'ACF ne se voit pas comme l'organisation révolutionnaire parfaite, mais est impliquée dans le processus par lequel une telle organisation pourra émergée. Elle croit que sa théorie et sa structure, à défaut de sa taille et de son influence dans le prolétariat, en fera une contribution majeure à cette organisation.

(...)

 

ANNEXE II 

Buts et Principes de l'Anarchist Communist Federation

1. L'Anarchist Communist Federation est une organisation d'anarchistes révolutionnaires et lutte-de-classiste. Nous visons l'abolition de toute hiérarchie et travaillons pour la création d'une société mondiale sans classe : le communisme libertaire.

2. Le capitalisme est basé sur l'exploitation du prolétariat par la classe dirigeante. Mais l'inégalité et l'exploitation sont aussi exprimé en terme de race, de genre, d'orientation sexuelle, de santé, d'habilité et d'âge et de ces façons une section du prolétariat en oppresse une autre. Cela nous divise, causant un manque d'unité de classe dans la lutte qui bénéficie à la classe dirigeante. Les groupes opprimés sont renforcés par l'action autonome qui menace les relations sociales et économiques de pouvoir. Pour réaliser notre but nous devons abandonner le pouvoir que nous avons les uns sur les autres (10) autant à un niveau personnel que politique.

3. Nous croyons que combattre le racisme et le sexisme est aussi important que d'autres aspects de la lutte de classe. Le communisme libertaire ne peut pas être réalisé tant que le racisme et le sexisme existent toujours. De façon à être efficace dans leur lutte contre leur oppression à la fois à l'intérieur de la société et à l'intérieur du prolétariat, les femmes et les gens de couleurs peuvent par moment devoir s'organiser indépendamment. Cependant, cela devrait être fait en tant que femmes et gens de couleurs du prolétariat parce que les mouvements interclasse cachent de vraies différences de classe et réalisent peu pour eux et elles. Une pleine émancipation ne peut être réalisée sans l'abolition du capitalisme.

4. Nous sommes opposés à l'idéologie des mouvements de libération nationale qui prétendent qu'il y a des intérêts communs entre les patrons et le prolétariat d'une même nation (11) en face de la domination étrangère. Nous supportons les luttes du prolétariat contre le racisme, le génocide, l'ethnocide, et le colonialisme économique et politique. Nous nous opposons à la création de toute nouvelle classe dirigeante. Nous rejetons toutes les formes de nationalisme, parce que cela ne sert qu'à redéfinir les divisions dans le prolétariat international. Le prolétariat n'a pas de patrie et les frontières nationales doivent être éliminées. Nous cherchons à bâtir une Internationale anarchiste pour travailler avec d'autres révolutionnaires libertaires à travers le monde.

5. En plus d'exploiter et d'opprimer la majorité des gens, le capitalisme menace le monde par la guerre et la destruction de l'environnement.

6. Il n'est pas possible d'abolir le capitalisme sans une révolution, qui émergera des conflits de classe. La classe dirigeante doit être complètement renversée pour réaliser le communisme libertaire. Parce que la classe dirigeante n'abandonnera pas son pouvoir sans l'utilisation de la force armée, cette révolution sera un temps de violence en même temps que de libération.

7. Les syndicats par leur nature même ne peuvent devenir des véhicules pour la transformation révolutionnaire de la société. Ils doivent être acceptés par le Capitalisme de façon à fonctionner et donc ne peuvent pas jouer de rôle dans son renversement. Les syndicats divisent le prolétariat (entre employéEs et sans-emploi, entre différents métiers, entre qualifiéEs et non-qualifiéEs, etc.). Même les syndicats «syndicaliste révolutionnaire» sont contraints par la nature fondamentale du syndicalisme. Le syndicat doit être capable de contrôler ses membres de façon à faire des ententes avec l'administration. Leur but, par la négociation, est de réaliser une forme plus juste d'exploitation de la force de travail. Les intérêts des chefs et des représentantEs seront toujours différents des nôtres. La classe des patrons est notre ennemi, et même si nous devons combattre pour leur arracher de meilleurs conditions de vie, nous devons réaliser que les réformes que nous pouvons obtenir aujourd'hui peuvent nous être enlevées demain. Notre but ultime doit être l'abolition complète de l'esclavage salarié. Travailler dans les syndicats ne pourra jamais réussir cela. Cependant, nous n'argumentons pas pour que les gens quittent les syndicats avant que ceux-ci ne soient rendu non-pertinents par les événements révolutionnaires. Le syndicat est un point de départ commun pour beaucoup de travailleurs et de travailleuses. Les initiatives de base peuvent nous renforcer dans la bataille pour le communisme libertaire. Ce qui est important c'est que nous nous organisions collectivement, argumentant pour que les travailleurs et les travailleuses contrôlent leurs luttes eux et elles-mêmes.

8. Une libération authentique ne peut découler que de l'auto-activité révolutionnaire du prolétariat à une échelle de masse. Une société communiste libertaire signifie non seulement la coopération entre égaux, mais une implication active dans le modelage et la création de cette société durant et après la révolution. Dans les périodes de bouleversements et de lutte, les gens auront besoin de créer leurs propres organisations révolutionnaires contrôlées par tous le monde à l'intérieur de celles-ci. Ces organisations autonomes seront hors du contrôle des partis politiques, et à l'intérieur de celles-ci nous apprendrons plusieurs importantes leçons d'auto-activité.

9. En tant qu'anarchistes nous nous organisons dans toutes les sphères de la vie pour essayer de faire avancer le processus révolutionnaire. Nous croyons qu'une organisation anarchiste forte est nécessaire pour nous aider à cette fin. Contrairement aux autres supposés «socialistes» et «communistes», nous ne voulons pas le pouvoir ou le contrôle pour notre organisation. Nous reconnaissons que la révolution peut seulement être faite directement par le prolétariat. Cependant, la révolution doit être précédée par des organisations capable de convaincre les gens de l'alternative et des méthodes communistes libertaires. Nous participons dans la lutte en tant que communistes libertaires, et nous nous organisons sur une base fédéraliste. Nous rejetons le sectarisme et travaillons pour un mouvement révolutionnaire anarchiste uni.

 

Notes de la traduction

(1) «working people» fut systématiquement traduit par «salariés», «working class people» par «prolétaires». Est prolétaire quiconque ne possède que sa force de travail, i.e. quiconque est forcé, à moins de tomber sur le B.S. de travailler pour (sur)vivre.

(2) Ma traduction de l'anglais dans les deux cas.

(3) «working class» fut systématiquement traduit par «prolétariat» qui en plus d'être moins ringard que «classe ouvrière» à le mérite d'avoir une définition moins étroite, i.e. le terme «classe ouvrière» ne fait référence qu'au noyau dur du prolétariat, ce qu'on appelle le prolétariat industriel.

(4) Ma traduction de l'anglais.

(5) «rank and file groups» : il s'agit d'une pratique anglaise, développée dans les années '20, visant à créer des réseaux de militantEs syndicaux radicaux, c'était au départ l'équivalent de nos caucus et oppositions syndicales, l'initiative vient en général de l'extrême gauche. Il arrive aussi, souvent, que ces groupes se battent autant contre les patrons que contre la bureaucratie syndicale, ce qui, tout aussi souvent, les place hors des syndicats.

(6) «driving force», j'aurais été poussé à traduire par «force directrice» mais mon dictionnaire me dit «force agissante».

(7) l'original dit «takeover».

(8) J'arrive pas à bien traduire le concept de «leadership of ideas». Ce concept vient apparemment de la plate-forme dite d'Archinov, le bout de la «Plate-forme», dans la version française, qui parle de ça dis : «l'anarchisme doit devenir la conception directrice de la révolution sociale» (...) «La position directrice des idées anarchistes dans la révolution signifie une orientation anarchiste des événements», je trouve que ça sonne pas mal comme «hégémonie idéologique», i.e. que les méthodes et les idées libertaires remplacent les idées et les méthodes autoritaires pour devenir «hégémoniques» dans le mouvement de libération. Bien sur, si nous sommes des révolutionnaires pluralistes, comme l'est l'ACF, l'«hégémonie idéologique» ne signifie pas l'«hégémonie» des idées d'une organisation en particulier, ici l'ACF, mais l'«hégémonie» des idées libertaires en général. Bref une situation semblable à celle des mouvement ouvrier espagnol et argentin dans les années '30 où à celle du mouvement ouvrier français dans les années '10, c'est à dire un mouvement ou dominent les idées et les méthodes libertaires (action directe, démocratie directe, fédéralisme, etc.).

(9) l'original dit «working intelligensia», ce qui pourrait se traduire par le concept de «travailleurs intellectuels», sauf que vu que plus haut le texte parle de col-blanc, catégorie qui rentre dans une définition large de «travailleurs intellectuels» (intellectuel par rapport à manuel), c'est donc pas tout à fait ça (en plus ça fitait pas dans la phrase).

(10) J'ai tellement envi de rajouter «les uns sur les unes»...

(11) l'original dit «native bosses and the working class» ce qui se traduirait idéalement par «les patrons autochtones et le prolétariat» mais étant donné le sens particulier que prend «autochtone» au Québec, j'ai préféré traduire par «les patrons et le prolétariat d'une même nation», ce qui anyways veut dire grosso-modo la même chose.


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